Culture (Edition du 4/11/2004)

Leny Escudero en Concert a Alger
Histoires de gitan
Par Djamel Belayachi Lu (122 fois)

Voilà un revenant, Leny Escudero, chanteur à la sombre ironie, doué d’un sens aigu du pathétique, qui était de passage dans les années 1960 à Alger. Mardi dernier, il a réapparu dans la capitale. Cheveux tout ébouriffés, visage creux, corps sec et effilé, le voici sur la scène de la salle Ibn Khaldoun devant un public, tous radars dehors, tout acquis à lui, à ses textes un rien scatologiques et à sa voix qui chante légèrement faux. Après avoir fréquenté les Trois baudets, cabaret où Jacques Brel et George Brassens avaient l’habitude de se produire, Leny Escudero s’était fait connaître dans les années 1960 avec un premier album. Après plusieurs pétards mouillés, bien sûr, et grâce à un entêtement à toute épreuve : “Je n'ai jamais pensé devenir chanteur, mais ma volonté de défier tous les chanteurs et éditeurs qui ont refusé mes textes, m'a amené à chanter.”
Effet pervers (ou salvateur) d’un succès relatif, il disparaît dans la broussaille africaine à la recherche de la sérénité. Il s’établit au Bénin où il construit une école à l’aide de ses talents dans la maçonnerie, son premier métier.
Début des années 1970, les “démons” de la chanson le ramènent en France. À cette époque il écrit Vivre pour des idées, chanson dédiée à son père qui s’était fait enrôler dans les troupes républicaines contre le régime de Franco pendant la guerre civile. Vivre pour des idées, il la chante, non pour cette raison que son père a été dans le bon camp, mais parce que son père “a eu la chance de choisir son camp. D’autres n’ont pas pu”. Chaque chanson de Leny renferme une histoire. Une histoire, une vraie, avec des morts, des opprimés, des amours maladroits et des coups de gueule de gosses qui ne veulent pas grandir, “parce que être grand, c’est être c…”.
Il y a aussi cette histoire d’exception, celle de Lily Marlène, chanson d’amour qui réussit, durant la Seconde Guerre mondiale, à réunir les soldats de tous bords avec ses vers enflammés (nazis, américains, anglais, russes, etc.) et dont le producteur et la chanteuse furent arrêtés et jetés dans des camps de concentration par des chefs militaires allemands zélés et paranoïaques.